mardi 27 mars 2018

J'ai joué à "Celeste", le premier grand jeu de 2018, et j'ai des choses à dire.

En Février, j'ai joué à Celeste et j'ai été tellement marqué par sa beauté que j'ai décidé d'écrire un article dessus, parlant de ce qui en fait pour moi le premier grand jeu vidéo de 2018.

Nous sommes le 24 Mars quand je commence à écrire ceci. Je n'ai clairement pas réussi à mettre mes impressions sur papier il y a un mois. Ça m'arrive. Souvent. Et ça me frustre énormément. Parce que ça me fait un bien fou d'écrire ces articles que quasiment personne ne lit.

Ça me fait du bien, parce que ça me permet de tirer une énergie positive dingue de l'art auquel je suis exposé pour ranimer ma créativité et évacuer un peu tout ce qui était bloqué dans mon cerveau.

J'écris un article bien trop long tous les deux mois, et je repars en couilles. J'ai une idée pour un texte, et je me mets une pression de temps incroyable.

"Allez, celui là je le finis pour la semaine prochaine !" Et la semaine prochaine arrive. Et celle d'après. Et celle encore après. Et non seulement je me fais du mal parce que je me mets une pression monstre pour finalement être déçu de ne pas avoir réussi à poster quelque chose le jour de ma dead line imposée, mais aussi parce que derrière, je perds la motivation, et je laisse tout en plan.

Et puis je m'en sors. Et la motivation revient. Et l'envie d'écrire, l'envie de créer me prend d'un coup, et pendant une semaine, je me sens vivant, avant de sombrer de nouveau juste derrière. Encore, et encore, et encore.

Je suis actuellement dans la descente. Et alors que je me suis retrouvé envahi par mes TOC, incapable de me libérer de mes centaines de lavages de mains, j'ai réalisé que Celeste n'a jamais eu autant d'importance pour moi qu'aujourd'hui.


Passé cette limite, le risque de spoilers pour Celeste augmente fortement. Vous voila prévenu.

Celeste n'est pas juste un jeu de plate-formes ultra fun et ultra dur. Il n'est pas juste magnifique, il n'est pas juste parfaitement design, il n'a pas juste une bande-son absolument à tomber... Il explore l'anxiété et la lutte intérieure comme peu de jeux ont su le faire.

Tout est montré de manière littérale, puisque le personnage principal, Madeline, dans ma partie nommée "Laura", laisse tout derrière elle pour aller gravir une montagne sur laquelle ses peurs intérieures et ses doutes prennent forme et tentent de l'empêcher d'avancer.

C'était une idée stupide de vouloir atteindre le sommet de cette montagne. Elle n'a absolument pas les capacités et la force intérieure pour arriver au but. Elle le sait. Sa part d'ombre le sait. Et à tout moment, elle pourrait faire demi-tour, reprendre sa voiture, et s'enfuir.

Laura hésite. Beaucoup. Par moments, elle est à deux doigts d'abandonner et de retourner souffrir chez elle. Et pourtant elle continue, et au final, elle y arrive.

Elle ne fait pas que vaincre ses faiblesses, elle ne fait pas que les accepter, elle les utilise, tire sa force de son impuissance, et atteint le sommet. Le vide est parti. Elle a su se dompter elle même. La peur est partie. Elle a atteint le sommet.

Elle a réussi et ce malgré les crises de panique, malgré les défaites, malgré tout ce qui lui bloquait le passage. Et j'étais tellement heureux pour elle.


Car je connais les crises de panique. Ces moments où tout vous attaque d'un coup, où tout fait mal. Toutes les pensées négatives viennent s'écraser comme un tsunami, tous les sens s'accentuent, et tout devient terrifiant, agressif, dangereux, au point où votre vision se blanchit et où tout est assourdissant.

Ça, ce sont mes crises de panique à moi. Celles de Laura sont surement différentes, mais le résultat est le même. Les "trucs" aident au début. La respiration fait du bien, l'idée de se concentrer sur son souffle permet de se calmer dans un premier temps... Puis le corps s'y habitue, les doutes et les peurs aussi, et cela ne sert plus à rien.

Les amis qui vous prennent dans leurs bras, la famille qui vous donne des conseils, qui essayent de vous rendre un peu de chaleur, de vous calmer et vous aider à revenir avec eux, ici, dans l'instant présent... Plus rien ne fonctionne. Plus personne ne peut vous aider.

Ce qui amène la culpabilité en plus de la douleur. La culpabilité de ne pas être là dans ces moments, de faire souffrir les gens autour de soi, et que vu la situation, quoi que vous fassiez, vous finirez par blesser quelqu'un.


Vient alors la colère. La colère envers soi-même, mais aussi la colère envers tout ce qui vous entoure. Si je souffre, c'est forcément à cause des gens que je connais, à cause de la ville dans laquelle je suis, des objets qui m'entourent dans ma chambre... Je sais quoi faire pour aller mieux, et personne ne m'offre ma chance, personne ne me voit pour ce que je suis, personne ne voit ce que je pourrais être...

Alors que tous mes amis sont à l'autre bout du pays, je me sens bloqué dans cette ville minable dirigée par des gosses de riches incapables, je me sens bloqué par toutes ces connaissances lointaines à la tronche de qui j'ai envie de gueuler dès qu'elles me demandent "Comment ça va ?".

Et pourtant, ce n'est la faute de personne. Même pas de la mienne. C'est comme ça. Il faut l'affronter, l'apprivoiser. Et c'est dur. Mais j'y arrive. Petit à petit. J'ai des élans créatifs qui me permettent d'avancer et d'éventuellement me créer un futur qui me plait. Un futur dans lequel je suis derrière une caméra, à faire mes films, et dans lequel je suis heureux.

La seule chose à laquelle je ne pense pas dans ce futur, c'est... Est-ce que je suis vraiment heureux ?

Si par miracle je réussis à faire ce que je veux de ma vie, est-ce que cela suffira pour combler ce vide que j'ai en moi ? Ou est-ce que ça continuera comme avant, mais cette fois-ci dans un environnement où je ne pourrais pas me permettre de faire des crises de panique, de me sentir au 36ème dessous toutes les deux semaines, où ma présence d'esprit sera nécessaire pour le bon fonctionnement de mes projets...

Laura a surement ressenti la même chose. Et elle a décidé de grimper une montagne. De tout quitter. De se donner un objectif irréalisable, et de se dire qu'elle ne rentre pas tant qu'elle n'a pas accompli sa mission.

Et moi, pendant ce temps, je suis comme un con. J'ai un story-board à dessiner pour compléter le dossier d'un court-métrage qui a de grandes chances de lancer ma carrière, j'ai un blog que je veux updater, et je viens de commencer le stream, stream sur lequel j'ai des dizaines de trucs à faire.

Mais je suis bloqué sur mon story, je ne sais plus par où commencer, j'ai l'impression de n'avoir aucun public pour mes articles, je n'ose pas lancer mon stream... Et je redescends. Lentement. Mais surement.


Ça reviendra, je le sais. Ça reviendra et je vais finir mon story-board et persévérer, parce que je sais que ces pensées négatives sont complètement irrationnelles...

Mais cette partie de moi si détestable, cette partie de moi qui blesse, qui fait peur, que j'entends pleurer dans le coin de ma tête, celle qui me fait me réveiller la nuit en sueur parce que je me suis mis à penser à la mort, celle qui me rappelle toutes les erreurs que j'ai fait et que je ferai, celle qui me regarde droit dans les yeux quand je suis devant mon miroir le matin, qui a un visage si triste, qui ne sait jamais si elle doit collaborer ou tout foutre en l'air... Elle sera toujours là. Et je ne sais pas comment m'en débarrasser.

La réponse est simple: Il ne faut pas s'en débarrasser. Il faut l'accepter, et avancer avec elle, main dans la main. Comme Laura, qui a su grimper la montagne jusqu'au sommet. Laura, qui a traversé des villes en ruines, des manoirs hantés, des vestiges de temples ensevelis, et des caveaux sans fins, tout ça pour pouvoir s'assoir deux minutes au sommet, et se dire: Je l'ai fait.

Laura qui est tombée. Qui a laissé sa part d'ombre prendre le dessus et l'emmener au plus profond, mais qui, alors que tout semblait perdu, alors qu'elle n'avait plus qu'à rentrer chez elle inchangée, a décidé de se relever, et de dire "Non".

Non.

Dans un moment décisif.

Le seul moment qui comptait.


Quand Celeste s'est terminé, je n'avais pas envie de couper ma console. Pas parce que j'étais triste de lâcher le jeu, après tout, le gameplay et le level design à eux seuls sont suffisants pour en faire le meilleur jeu de l'année, et il y a largement assez de contenu post-game pour me tenir en haleine pendant de nombreuses heures.

Ce n'est pas le jeu que je ne voulais pas lâcher. C'était Laura. Car même si elle est toujours là une fois l'aventure terminée, même si ses accomplissements ont toujours le même impact, ce n'est juste... Pas la même chose.

L'histoire est finie. Elle a réussi. Et en la voyant descendre de la montagne, une femme nouvelle, plus forte, en paix avec soi-même, j'ai partagé cette puissance. Cette paix intérieure. Et puis c'est parti. Envolé. Parce que j'étais en train de tomber.

Je développe des TOC sévères depuis environ un mois. Je me lave les mains une centaine de fois par jour, je mets 2h30 à me doucher, 1h à aller aux toilettes, et 30 minutes pour aller me coucher, tout ça parce que je n'arrive plus à avoir une hygiène normale.

J'ai l'impression de contaminer tout ce que touche, tout ce que je frôle, et ça devient de plus en plus handicapant. Je n'ose plus sortir, je n'ose plus me laver, je n'ose plus rien faire, et je me nique le dos et les mains. Finalement, c'est juste la culmination de tout ce que je ressens de négatif depuis maintenant 6 ans.

Cette impression d'être une tâche, d'être un parasite, un indésirable. Cette impression que quand je veux arranger les choses, je ne fais que les empirer, et qui fait que je ne sais plus quoi faire et quand le faire. J'attends mon moment pour dire "Non", mais j'ai peur de le manquer.

Pire encore... J'ai peur qu'il soit déjà passé.


J'ai 20 ans, et j'ai parfois l'impression que ma vie est déjà terminée. Et alors que je souffre vraiment, j'ai tout de même l'impression de ne pas être légitime quand je vois tous ceux qui ont plus mal que moi.

Martin Wantiez, toujours à penser qu'il n'en vaut pas la peine, qui au lieu d'être heureux quand il réussit à terminer un scénario regrette plutôt de ne pas prendre le temps d'apprendre la guitare comme il l'avait décidé. Martin Wantiez qui parce qu'il se bat et se relève petit à petit a le sentiment qu'il n'a plus le droit de souffrir et que tous ses efforts sont vains à chaque fois qu'il se sent mal dans sa peau.

Je ne sais pas si je suis prêt à gravir une montagne, mais peut-être que cela me ferait du bien.

Celeste m'a rassuré, non seulement parce qu'il a raconté quelque chose que j'avais besoin de voir, mais aussi parce qu'il m'a occupé l'esprit quelques instants.

L'art est mon dernier rempart, le dernier endroit où je peux me réfugier. Hier, j'ai regardé What We Do In The Shadows, et même si j'ai dû faire pause à trois reprises pour aller me laver les mains et arranger mon lit que j'avais l'impression d'avoir entièrement salifié, j'ai passé un excellent moment, et j'ai su surmonter mes problèmes pendant 2h. Celeste, comme tous ces films et ces jeux qui ont eu un impact fort sur moi, m'a permis de m'évader.

Chaque niveau introduit une nouvelle mécanique, et ces mécaniques sont utilisées de toutes les manières possibles et s'unissent pour ajouter encore un peu plus de complexité au level-design déjà parfaitement pensé. Il y a une idée à la minute, et chaque nouvel écran est un challenge attirant et une pépite d'imagination mise en œuvre par des développeurs ultra talentueux.

L'écriture du jeu est fabuleuse et sait être légère et particulièrement drôle, avec des personnages colorés aux répliques cinglantes mais jamais trop cyniques. De Théo à Madeline, tous les protagonistes suintent de personnalité, et leurs interactions sont aussi amusantes et divertissantes qu'elles sont touchantes, voire poignantes.

Des liens forts se tissent entre eux alors qu'ils découvrent et discutent leurs facettes les plus sombres, et une fois le moment venu, ils se tirent par le haut pour se donner le coup de boost final nécessaire.


La direction artistique est merveilleuse, remplie d'environnements envoutants et de personnages au design mémorable, dont les traits et le caractère sont appuyés par de superbes animations encadrées de leurs visages pendant les dialogues (des cadres parfois utilisés pour briser le 4ème mur de manière intéressante), renforçant l'écriture avec des expressions adorables, hilarantes, et émouvantes, et un "voice-acting" composé de multiples sons au top.

Cerise sur le gâteau, la musique est grandiose et joue sur vos sentiments pour vous immerger un peu plus dans l'univers du jeu, et les artworks de fin de chapitre sont de parfaites récompenses, terminus coupant suffisamment avec le reste du gameplay en mettant un point final clair à la séquence sans vous sortir de l'ambiance.

Chacun de ses dessins porte une signification particulière leur offrant une importance intime à chaque niveau terminé. Ils représentent quelque chose de spécial. Et c'est pour ça que j'ai fait une capture d'écran de chacun d'entre eux.

Celeste est dur. Très dur. Ses mécaniques sont ultra précises et son level-design demande au joueur de connaitre par cœur la physique et les différents paramètres qui entrent en compte dans chaque déplacement du personnage. Il y a des dizaines de collectibles, plusieurs niveaux de difficultés qui se débloquent à chaque fois que vous avez l'impression d'en avoir fini, et à chaque instant, à chaque occasion qu'il a, malgré la douleur et la difficulté, le jeu vous incite à continuer.

Il vous encourage, vous force à vous relever, à persévérer et à vaincre ce qui se trouve devant vous. Vous gagnez des réflexes, vous commencez à connaître chaque mécanique par cœur, et au final, vous y arrivez. Vous avez mis 20h, mais vous y voila. Et ça en valait vraiment la peine.

Pendant un moment, j'ai pensé que Laura n'arriverait pas à gravir la montagne. J'ai vraiment eu un doute au début du dernier acte du jeu. Et la voir vaincre ses peurs, la voir réussir malgré tout ce qui lui est arrivé...

Ouais. Ça m'a fait du bien.


Car c'est ça Celeste. Avancer. Continuer. Évoluer. Apprendre. Vaincre. Ne jamais, jamais abandonner, et finalement, atteindre le sommet. Et c'est pour ça que c'est le premier grand jeu de 2018.

C'est fun. C'est beau. C'est intéressant. C'est important. Important de voir cette problématique présentée sous cet angle. Particulièrement quand on se laisse sombrer.

J'étais dégouté de ne pas être aussi fort qu'un personnage de jeu vidéo. De la laisser partir, heureuse, comblée, et de rester dans mon coin avec tous mes problèmes. Des problèmes que je commence à vaincre. Je commence à aller mieux nom de dieu. Et pourtant, les TOC sont là. Pourtant, j'ai toujours ces phases de mal-être.

Cet après-midi, j'ai craqué. J'ai balancé mon savon par terre, j'ai donné des coups de poing à ma baignoire, j'ai hurlé... Je n'en pouvais plus d'être physiquement si mal alors que tout s'arrange.

Mais ça ira mieux. Et je continuerais à être bloqué dans cette boucle, d'aller mal puis d'aller mieux, jusqu'à ce que je m'arrête sur le aller mieux.

C'est dur. Mais je vais y arriver. Je le sais. Je l'ai décidé.

Bon. C'est l'heure de remonter.

J'ai un story-board à faire.



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